EXPOSITION EUROPE DESIGN EXPRESS

La mission du design aujourd’hui

22 FÉVRIER – 25 MAI

Du 22 février au 25 mai, le Design Museum Den Bosch, situé à ‘s-Hertogenbosch aux Pays-Bas, présente l’exposition Trans Europe Design Express – un voyage à travers cinq collections de design. L’invitation lancée par le directeur du musée, Timo de Rijk, à organiser conjointement une exposition de design à l’échelle européenne, a été acceptée par le Domaine de Boisbuchet, la Triennale de Milan (Italie), le musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains (Suisse), le Design Museum Danmark (Danemark) et le Brussels Design Museum (Belgique). Chacune de ces institutions contribue à l’exposition avec 25 pièces représentatives issues de ses collections, afin d’initier un dialogue européen sur leurs missions respectives et sur le rôle du design à notre époque.

L’unicité de cette initiative – cinq musées de design accueillis par un sixième – revêt une portée historique dans notre champ d’expertise. Ensemble, ils s’engagent dans bien plus qu’une simple exposition ou qu’un échange autour des pratiques et des collections : ils tracent une voie vers une réflexion élargie sur la relation entre cohabitation, action et dialogue – des thématiques cruciales pour la survie et l’évolution des musées, en particulier ceux consacrés au design. Cette réflexion englobe les rapports entre sphères publique et privée, les notions d’(in)dépendance, la fraternité institutionnelle dans la diversité, ainsi que la réémergence d’un “nous” collectif, en opposition à un “je” solitaire et autoritaire.

Musée, définition de l’ICOM – Prague, 2022 : Un musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société. Il mène des activités de recherche, de collecte, de conservation, d’interprétation et d’exposition du patrimoine culturel matériel et immatériel. Les musées sont ouverts au public, accessibles et inclusifs, et promeuvent la diversité ainsi que la durabilité. Ils fonctionnent et communiquent de manière éthique et professionnelle, tout en impliquant les communautés et en offrant des expériences variées d’apprentissage, de plaisir, de réflexion et de partage des connaissances.

Un musée de design, à travers ses collections et ses programmes, a redéfini ses finalités par rapport à un passé récent : il sert de plateforme de communication et d’éducation, témoigne de la diversité des savoir-faire humains, propose une hypothèse de coexistence intégrant mémoire et innovation, et légitime une certaine idée de civilisation à travers ce que l’on pourrait appeler des objets ou projets civiques. Par ailleurs, les dimensions de la recherche par le design et à travers le design prennent une importance croissante, car cette discipline est aujourd’hui reconnue non seulement pour sa portée culturelle, mais aussi — et peut-être surtout — pour son rôle social et politique.

Les objets civiques englobent des projets qui relèvent souvent d’une logique collective et d’un esprit communautaire (par exemple : signalétique routière, communication publique, mobilier urbain, équipements pour personnes en situation de handicap, installations et matériels sportifs — pour ne citer que les exemples les plus évidents). Ces objets sont omniprésents dans l’administration publique, les événements sportifs, les services de santé, l’éducation et les transports.

Le musée peut être repensé comme un mécanisme de réduction des inégalités, un amplificateur de mémoires, un réservoir de données et d’études de cas, et un laboratoire de possibles. Il doit aussi devenir le dépôt des droits et devoirs liés au vivre-ensemble, à travers toutes les formes que le design peut proposer dans la gestion de notre quotidien. Le design, en tant que forme dynamique et souple, s’incarne dans des artefacts, des idées et des lignes de pensée, et constitue la preuve ultime du courage d’assumer et de définir notre destinée.

Par la nature même de ses collections et de ses programmes — profondément ancrés dans la vie humaine et les expériences quotidiennes —, un musée de design devrait être un lieu idéal de dialogue entre des mondes désormais moins polarisés mais toujours contigus : naturel/artificiel, réel/virtuel, collectif/individuel, auteur/communauté, tendance/comportement. Un musée de design doit être pour nous une agora, dont les seules frontières sont les murs physiques de l’édifice qui l’abrite — et pourtant, il faut reconnaître que les nations elles-mêmes sont aussi des constructions humaines.

Pour que l’héritage des phénomènes socioculturels puisse devenir un remède pour la société, il faut un pouvoir institutionnel organisé et horizontal. Quelles institutions ? Les musées, les universités, les théâtres, les académies, les centres de recherche et les lieux culturels sont autant de catalyseurs d’énergie et d’espaces concrets pour la présence et l’expression collectives. Il est particulièrement essentiel d’impliquer les communautés migrantes, de plus en plus tiraillées entre honte et fierté, non pas simplement comme ressources ou réservoirs de savoirs, mais comme acteurs à part entière du discours culturel de nos sociétés.

Un musée doté de collections et de programmes est un instrument agile de politique culturelle à rayonnement mondial, car il fonctionne à la fois comme sismographe des phénomènes, thermomètre des contextes locaux, et médiateur de l’“essence singulière” d’un territoire, tout en favorisant les relations internationales.

L’historien Alessandro Barbero a déclaré : « Si je devais étudier les vingt-cinq premières années de ce siècle, je me concentrerais sur les raisons pour lesquelles les démocraties ont cessé de fonctionner efficacement. La démocratie existe pour que les individus puissent s’exprimer, mais en Occident, cela est de moins en moins ressenti. »

Un musée de design est aussi une synthèse de savoirs et un médiateur socio-économique à l’échelle d’un vaste territoire. Ce type d’institution ne devrait-il pas être idéalement placé pour accueillir des pratiques relevant de la diplomatie culturelle, en assumant une fonction publique renouvelée par l’exercice d’un soft power à l’égard des institutions politiques et administratives ? Cela se concrétise notamment par l’exposition d’objets existants ou nouveaux, de processus créatifs et productifs, de cultures matérielles et d’innovations. Nos cinq institutions activent ainsi une large communauté d’individus, unis par des valeurs communes : éthique du travail, transmission de standards minimaux favorisant la dignité, la sécurité et l’accessibilité dans les domaines du logement, des transports, des soins et de l’éducation. Ce champ de la diplomatie culturelle pourrait être désigné sous le nom de Design Museum Diplomacy.

L’Europe doit réaffirmer son rôle de gardienne de la démocratie et du vivre-ensemble. Elle doit le faire, entre autres, à travers le design, en proposant de nouvelles images, contenus et idées capables d’accompagner le processus de rééquilibrage social. De nouveaux récits doivent émerger pour affirmer que nos futurs sont encore possibles. Comme l’a rappelé Sergio Mattarella à Marseille, le 5 février 2025 : « Ce ne sont pas d’anciennes recettes adaptées à de nouveaux intérêts qu’il nous faut, mais des idées neuves. Il faut servir les personnes, car l’histoire s’inscrit dans le comportement humain. Et ce sont les universités et les musées qui sont les mieux placés pour faire émerger ces idées. »

Parmi les leviers essentiels figurent l’éducation et la compréhension mutuelle, fondements du vivre-ensemble, ainsi que la libre circulation de l’information. Il est impératif de réaffirmer les principes fondateurs de la pensée européenne, y compris les aspirations de ceux qui se sentent mis à l’écart.

Aujourd’hui, il est donc plus que jamais nécessaire de repenser la notion d’influence que peut exercer un groupe ou un réseau, en réponse à ceux qui aspirent à gérer les biens communs à travers des fonctions publiques. Ces nouveaux oligarques s’appuient sur des outils issus de secteurs directement liés au design : communication, innovation numérique, logistique, mobilité, services.

Mais les musées ont un potentiel immense, et cela, l’histoire nous l’a montré. Lorsque le premier musée de design au monde a été fondé à Londres en 1851, à la suite de la première exposition universelle, ce fut avec l’ambition de contribuer à un monde meilleur. Après le Victoria & Albert Museum, une longue série de musées européens des arts décoratifs et appliqués a vu le jour, portés par le même idéal. Ce rêve était celui d’une civilisation moderne qui aurait dépassé la guerre, pour faire de la compétence, du soin et de la qualité les nouvelles formes de compétition. Le design, à toutes les échelles, devait poser les fondations d’une société où les ressources bénéficient au plus grand nombre.

Si les 175 dernières années n’ont certainement pas mis fin aux conflits, il est manifeste que le design a aujourd’hui plus que jamais le potentiel d’agir comme un agent de transformation. Et de relever les défis mondiaux. Les musées de design portent ce savoir au quotidien, dans leur interaction constante avec les publics.

Le design ne changera peut-être pas le monde. Mais le monde, dans son ensemble, a été façonné par le design. Et nous définissons notre société à travers ses manifestations matérielles. Les musées de design sont, de manière exemplaire, des lieux capables de séduire de nouveaux groupes sociaux. Une nouvelle culture (visuelle) est en train d’émerger avec clarté, notamment chez les jeunes générations — et elle trouve ses racines bien plus dans le design que dans les arts plastiques traditionnels. Le musée de design est sans doute la plateforme idéale pour inventer une nouvelle forme de communication et un nouvel appel à l’action. Bien sûr, un musée de design continue de susciter, chez beaucoup, l’attente de voir une parade d’objets beaux et parfois historiques. Il n’y a rien de mal à cela. Mais les grands enjeux contemporains — qui concernent chacun d’entre nous — peuvent aujourd’hui être abordés avec une force singulière par un nouveau type de musée de design.



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